MANIFESTE POUR UNE ECOLE DE NERAC

 
Depuis sa création en 1983, la Société des Amis du Vieux Nérac s'est progressivement affirmée comme force de création et d'entraînement en Albret, au point que d'aucuns parlent aujourd'hui d'une Ecole de Nérac. Quelles réalités cette formule peut-elle prendre ? A cette question, ce texte souhaite apporter une ébauche de réponse.
 L'Ecole de Nérac a pour vocation de créer dans les domaines les plus variés. Cette volonté suppose de donner la primauté absolue à l'intelligence, c'est-à-dire à laisser aux créateurs et chercheurs la liberté la plus entière en refusant les dogmes paralysants d'où qu'ils viennent.
Les fondements de cette Ecole reposent sur la riche tradition locale : berceau de l'Humanisme, centre de la révolutionnaire Réforme, Nérac a vu grandir Henry IV, maître de l'intelligence politique par son art de la fusion et celui de la créativité dans l'imaginaire collectif. La littérature féminine y est née avec la vibrante Marguerite d'Angoulême, la généreuse et passionnée George Sand. Rien de ce qui est neuf, ouvert n'est étranger à cette école.
L'École détruit l'image classique d'une province assoupie, désuète ou carrément morte. L'hypertrophie parisienne tue parfois des talents et valorise souvent la médiocrité. L'urbanisation, longtemps synonyme de créativité est aujourd'hui synonyme de mal-vie. La créativité migre vers les périphéries urbaines. L'Ecole se place dans ce mouvement, en s'appuyant sur les progrès et la diffusion du savoir, particulièrement la présence à Nérac d'une importante population ayant un haut niveau de formation (du fait de l'existence de trois lycées), et les techniques modernes de communication et d'édition.
L'éloignement des centres ne signifie pas ignorance, mais prise de recul par rapport aux courants, écoles, modes ou chapelles. L'École travaille en liaison avec les Universités, particulièrement régionales. De même, elle suit de près les évolutions et des débats fondamentaux qui traversent ses domaines de création (philosophiques, épistémologiques et autres). Si elle s'en inspire, elle se garde de s'y inféoder. D'autre part, l'ébranlement des systèmes et des idéologies qui ont fondé le siècle crée une situation ouverte, favorable à l'élaboration de nouvelles théories, de nouvelles méthodes et pratiques auxquelles l'École entend participer.
L'Ecole, par sa nature médiane, a aussi une vocation d'interface qui l'oblige à bannir de son expression le pédantisme comme toute forme de langage qui ne serait pas accessible au public le plus large, particulièrement ceux dits " savants " .
Pour les raisons qui précèdent, les concepts " d'histoire locale " et de " culture régionale " sont au cœur de l'activité de l'École. L'expérience acquise, comme l'évolution du monde vers le " village planétaire " conduisent ses membres à affirmer qu'il n'y a pas d'histoire locale, ou ce qui revient au même que toutes les histoires sont locales. L'acception traditionnelle de la formule " histoire locale " véritable " sous-histoire " pouvant au mieux servir à illustrer, compléter ou confirmer les thèses générales -essentiellement nationales - doit être revue à l'aune de l'ambition de l'Ecole de participer pleinement à l'activité désormais planétaire de création. Cette remarque vaut dans les autres domaines d'activité du groupe.
La recherche et la création, leur diffusion notamment par une activité éditoriale libre et de proximité est essentielle à la construction identitaire, notamment citoyenne des individus, tâche à laquelle les grands ensembles urbains sont de plus en plus incapables de répondre. A l'inverse d'un système éducatif naturellement porté à appauvrir cet apprentissage par des synthèses générales trop abstraites, l'Ecole propose un modèle de remédiation possible en puisant dans le vécu concret, immédiat les sources de la formation du citoyen dans l'ensemble de ses dimensions.
En un mot, l'École tonitrue l'idée que pour ne pas mourir idiot, mieux vaut vivre sur les bords de Baïse. Et pour dissiper la crainte de mourir triste, l'École entend aussi perpétuer la tradition des Gais Gascons. A cet effet, l'École organisera périodiquement des séminaires de réflexion gastronomicomiques, afin de ne pas se prendre trop la tête, tout en se tenant bien à table. Les cadets ne manquent jamais d'ambition en Gascogne. Ralliez-vous à leur panache.
 
                                                                                                                                                                     Hubert Delpont - novembre 1998